[Rapport Fraap] L’invisibilité statistique des associations d’artistes plasticiens
Plusieurs études ont été publiées récemment sur les revenus des professionnels du secteur culturel mettant en évidence la fragilité économique du secteur des arts visuels et du secteur associatif, avec comme traits communs la présence de « poids-lourds » (en termes d’effectifs et/ou de revenus) ne permettant pas de rendre visibles les caractéristiques du secteur associatif des arts visuels de manière plus fine.
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Plusieurs études ont été publiées récemment sur les revenus des professionnels du secteur culturel mettant en évidence la fragilité économique du secteur des arts visuels et du secteur associatif (notamment : Viviane TCHERNONOG, Le paysage associatif français, Dalloz, 2013 / Valérie DEROIN, Emploi, bénévolat et financement des associations culturelles, DEPS, 2014 / Marie GOUYON, Revenus d’activité et niveaux de vie des professionnels de la culture, DEPS, 2015), avec comme traits communs la présence de « poids-lourds » (en termes d’effectifs et/ou de revenus) ne permettant pas de rendre visibles les caractéristiques du secteur associatif des arts visuels de manière plus fine.
Ces études sont caractéristiques de la difficulté à trouver des informations fiables sur notre secteur car la collecte d’information se heurte immédiatement à la question suivante : une association d’artistes plasticiens est-elle, d’un point de vue statistique, une réunion d’artistes plasticiens oeuvrant dans le champ de la création visuelle ou bien une association non pas définie par son activité mais par son statut ?
En consultant la liste des études menées par le DEPS ces dernières années, le manque de données précises sur notre secteur est flagrant, qu’il s’agisse de la production de données par le DEPS (lien vers la liste du DEPS en ligne) ou de la collecte de données par le DEPS sur le secteur des arts visuels (lien vers la page du DEPS).
L’une des raisons pourrait être la difficulté de définition par le politique et le statisticien de notre champ d’activité. En effet, les études annuelles sur l’emploi dans le secteur culturel s’appuient sur les données de l’INSEE, et sont établies soit à partir de la Nomenclature d’Activité Française (NAF), soit à partir de la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles (PCS).
La NAF a été utilisée pour l’étude menée sur « Le salariat dans le secteur culturel en 2009 : flexibilité et pluriactivité » par Marie GOUYON et Frédérique PATUREAU. Le champ culturel a ainsi été défini en 29 classes d’activité regroupées en : spectacle, architecture-patrimoine, édition, enseignement artistique et de loisirs, et création visuelle. Le secteur de la création visuelle est divisée en 3 sous-classes : création artistique relevant des arts plastiques, activités photographiques, activités spécialisées de design.
Dans l’étude « Revenus d’activité et niveaux de vie des professionnels de la culture », Marie GUYON a retenu les professions culturelles parmi celles établies par la nomenclature de 2003 des PCS. Au nombre de 21, elle les a regroupées en : professions des spectacles, professions de la documentation de la conservation et de l’archivage, profession des arts et métiers d’art, professions littéraires, architectes, professeurs d’art. Pour les professions des arts visuels, sont concernés 3 codes : les artistes plasticiens, les photographes, les concepteurs et assistants techniques des arts graphiques de la mode et de la décoration.
Dans les deux cas (NAF et PCS), ces nomenclatures ne disent rien quant aux associations d’artistes plasticiens, dont l’activité n’est pas définie par leur code NAF puisque celui-ci est censé être 94.99Z « Autres activités fonctionnant par adhésion volontaire ».
Le DEPS public chaque année les « Chiffres clés : statistiques de la culture et de la communication ». Dans l’édition de 2015, il est intéressant de se pencher sur la manière dont l’échantillon « associations culturelles » a été défini : ne pouvant se baser sur la NAF puisque « une partie des associations reçoit un code NAF relatif à la nature de la structure et non pas au secteur dans lequel cette association exerce son activité », les auteurs de l’étude ont classé le domaine « associations culturelles » en 5 sous-domaines : maison de la culture, centre d’action culturelle, centre culturel ; préservation du patrimoine, musée, monument ; organisation ou accueil de spectacles vivants ; cinéma, ciné-club, bibliothèque, médiathèque ; club culturel.
Encore une fois, quid des associations d’artistes plasticiens ?
Les rares données produites par le Ministère sur lesquelles nous pouvons aujourd’hui nous reporter sont les suivantes : pour l’étude menée sur « Le salariat dans le secteur culturel en 2009 : flexibilité et pluriactivité », Marie GOUYON et Frédérique PATUREAU avaient dénombré le nombre d’établissements relevant de la création visuelle. Leur étude portait sur les données de 3400 établissements du secteur de la création visuelle. S’appuyant sur les code APE de ces établissements, elles ont établi que 2600 d’entre eux relevaient du secteur de la photographie, 500 des arts plastiques et 250 du design. Les 500 établissements relevant du secteur des arts plastiques sont majoritairement implantés en région, sous statut associatif et de très petite taille. Les auteures de cette étude ont également mis en évidence la faiblesse du taux horaire du salariat dans les arts plastiques (11 euros nets, soit le plus faible, d’après elles, du secteur culturel), la grande majorité des postes salariés de notre secteur concernent des professions non culturelles, et pour les postes salariés relevant de professions culturelles ils sont très faiblement occupés par des plasticiens. Autres caractéristiques, le salariat y est majoritairement féminin et jeune. Enfin, les auteures de l’étude mettent en avant le très large recours des salariés du secteur de la création à la pluriactivité.
Cette notion de pluriactivité est centrale pour les associations d’artistes plasticiens, ce que mentionne plus précisément la dernière étude publiée par Marie GUYON pour le DEPS « Revenus d’activité et niveaux de vie des professionnels de la culture ». 12 % des professionnels des arts visuels perçoivent à la fois des salaires et des revenus d’indépendants, alors qu’ils ne sont que 7 % dans les professions culturelles et seulement 2 % chez les actifs.
L’autre donnée majeure de cette étude mais qui n’est malheureusement pas analysée est la forte proportion de professionnels du secteur des arts visuels en deficit. Le tableau de la page 5 montre que 10 % des professions des arts visuels déclarent des revenus directs d’activité négatifs. Par rapport aux professionnels des autres secteurs artistiques, notre secteur est le plus déficitaire (6 % dans les professions littéraires, 5 % chez les architectes, 4 % dans le spectacle vivant, 3 % chez les professeurs d’art), et seuls 4 % des actifs en emploi sont déficitaires. Et même en prenant en compte l’ensemble des revenus d’un actif du secteur des arts plastiques (revenus directs d’activité et revenus de remplacement tels que indemnités chômage et retraite par exemple), 7 % des professions des arts visuels déclarent des revenus d’activité négatifs. Par rapport aux professionnels des autres secteurs artistiques, notre secteur est le plus déficitaire (4 % dans les professions littéraires, 3 % chez les architectes, 3 % dans le spectacle vivant, 2 % chez les professeurs d’art), et seuls 3 % des actifs en emploi sont déficitaires.