Communiqué Fraap : Alerte sur le dispositif 2S2C (Sport-Santé-Culture-Civisme)
La Fraap alerte sur les dangers du dispositif 2S2C qui dénature l’éducation artistique et culturelle et qui dévalorise les professionnel·le·s qui la portent.
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Le Ministère de l’Éducation Nationale a lancé le dispositif 2S2C pour fournir une offre éducative aux élèves, pour la période post-confinement jusqu’au 4 juillet, il se prolonge maintenant pendant toutes les vacances dans le cadre de l’école apprenante.
Ce dispositif est présenté comme un succédané d’enseignement et le Ministère demande aux artiste-auteurs et autrices en s’inscrivant sur une plateforme dédiée de jouer un rôle d animation et d’occuper les élèves en surplus dans les classes, compte-tenu des mesures sanitaires.
L’occupationnel n’est pas un projet pédagogique ! Les artistes-auteurs et autrices ne sont pas des animateurs et animatrices d’activités ludiques. Il n’est pas question que le dispositif 2S2C remplace l’éducation artistique et culturelle.
En annonçant que le dispositif 2S2C « préfigurait » ce qui devrait se passer à partir de la rentrée de septembre 2020, Jean Michel Blanquer, Ministre de l’Education Nationale, change la perspective. Il ne s’agit donc plus d’un dispositif transitoire mais d’installer durablement les 2S2C dans le paysage éducatif.
Selon les termes de la charte pour l’éducation artistique et culturelle, l’EAC repose sur trois piliers : développer les connaissances des enfants, la pratique artistique et la fréquentation des œuvres et des artistes. Les projets d’EAC sont des vecteurs d’épanouissement, de créativité artistique, d’ouverture et d’émancipation. L’ouverture aux cultures et aux pratiques artistiques est un vecteur de solidarité, de connaissance de l’autre et de développement de soi.
L’irrigation de la culture sur le territoire se doit d’être faite par un soutien aux structures associatives, porteuses de compétences artistiques à même de travailler avec les collectivités territoriales, les Dracs et l’Etat dans le cadre de dispositifs spécifiques aux particularités de chaque région.
Le dispositif 2S2C ne remplit pas ces objectifs, il est flou sur ses missions, sa mise en oeuvre, les partenariats pédagogiques, les rémunérations des artistes et sa durée.
Un dispositif qui renvoie dos à dos la création et l’éducation, qui nie les compétences croisées des artistes-auteurs et autrices, des associations et des enseignants.
Pour les élèves et les familles : inégalités sociales et territoriales, inégalités entre établissements et dans les classes
Pour les équipes pédagogiques : discontinuité pédagogique, dévalorisation des enseignants d’arts plastiques
Pour les équipes artistiques et culturelles : mise en concurrence entre elles, mise en concurrence avec les équipes pédagogiques, iniquité de traitement, dévalorisation des savoir-faire
Les artistes-auteurs et autrices sont les premier.ère.s pénalisé.e.s (notamment dans le déni de leur professionnalisme et l’absence d’une rémunération juste) mais aussi — et de manière dramatique — les associations d’artistes qui mettent l’EAC au coeur de leur projet associatif. Le 2S2C leur renie jusqu’à leur raison d’être.
Une absence de concertation et d’une réelle coordination
La création de ce dispositif n’émane pas d’une concertation avec les acteurs et actrices concerné.e.s. Du côté des arts plastiques, aucun syndicat d’artistes plasticiens, aucune organisation professionnelle représentant les diffuseurs n’ont été sollicités pour juger de la faisabilité du dispositif.
Une mise en oeuvre qui n’est pas encadrée
Ce dispositif a été proposé sans modalités de mise en oeuvre, de moyens ni de rémunération des compétences mobilisées. Un dispositif flou et dangereux, qui risque d’ubériser les interventions artistiques, avec une plateforme uniforme et sans critères précis où tou.te.s les artistes peuvent déposer leur candidature.
L’absence d’un barème de rémunération adapté pour les artistes-auteur·trice·s
L’Éducation Nationale verse 110 € par journée de 6 heures aux collectivités intéressées qui ensuite, rémunèrent les intervenant·e·s selon leur bon vouloir, sans négociation préalable des taux de rémunération avec les organisations professionnelles, sans un barème de rémunération adapté à la qualification demandée et à la précarité imposée.
Le glissement nébuleux des conventions passées avec les artistes avant le confinement
Certains établissements et collectivités n’appliquent pas le décret du 23 mars relatif à la crise sanitaire et à la levée du service fait, s’exonérant ainsi de la solidarité nationale annoncée par le gouvernement.
Il est à craindre que soit demandé aux artistes-auteurs et autrices qui n’ont pas pu réaliser leurs interventions, pendant la crise, de convertir les projets EAC, ou les actions pédagogiques co-construites enseignant.e/artiste, en animation ludique dans le cadre de ce dispositif, niant toute la richesse artistique et la pertinence du projet crée en amont.
De plus, ce dispositif remet en cause les projets existants, programmés avant la crise sanitaire ou suspendus du fait du confinement (projets dont la rémunération est également trop souvent suspendue, voire annulée).
Quel enseignement pour demain ?
La fixation sur les savoirs dits « fondamentaux » exclut de plus en plus l’émancipation de l’individu par les arts et la culture, ainsi que les droits culturels qui devraient pourtant être au cœur de tout projet pédagogique.
Le dispositif 2S2C déstructure et retire toute sa place à l’enseignement artistique, qui devient facultatif. De plus, il renvoie à la population un message profondément rabaissant pour la création artistique : l’enseignement artistique pouvant, selon l’image qu’il renvoie, être assuré par des « individus » interchangeables, bénévoles ou professionnels, animateurs ou non, artistes ou non, acteurs associatifs ou non...
La Fraap s’associe aux collectifs qui alertent sur les dangers de ce dispositif et — à ce titre — s’associe à la pétition diffusée par des acteurs culturels et enseignants normands relayée dans toute la France.